Philippe Labouret © SODES

Le Groupe SODES a créé une foncière commerciale Presbourg Kleber Immobilier qui conserve les commerces en patrimoine, ceci dans le but de créer du lien dans les villes. La SODES a pour ambition de concevoir, depuis les années 1980, des centres-villes animés avec des places conviviales où l’on peut trouver son pain, passer à la pharmacie et s’asseoir en terrasse… A ce titre, Philippe Labouret, fondateur de la SODES, accompagné de Frédérique Vallée et Virginie Bindel, Directrices du Développement et des Programmes, nous ont livré une approche sensible du commerce. Retour sur nos échanges.

  • Qu’est-ce qui fait, selon vous, la réussite d’un projet avec du commerce ?

PL : « Le commerce est un élément central pour créer du lien dans les villes. La qualité dans le commerce passe par la création de lieux de vie et non de simples cellules présentes en pieds d’immeubles. Il faut à la fois promouvoir une bonne architecture, en pensant les vitrines, le linéaire commercial… et penser le rapport aux espaces publics. Une place, dans une ville ou un quartier, est un signal fort. Dans certains cas, il faut parvenir à humaniser des centres commerciaux, qui avaient pu être déshumanisés. »

VB : « Si on prend l’exemple de notre opération à Vauréal (95), la réussite des programmes de logements doit beaucoup à l’implantation de commerces de proximité en rez-de-chaussée, car ils ont donné envie de venir y habiter grâce à un sentiment de vie de quartier. »

PL : « Le commerce fonctionne bien lorsqu’il est intégré dans les flux. Sa localisation doit tenir compte des flux existants. »

VB : « A Val d’Europe (77), nous avons conçu des commerces de proximité, autour de la sortie de la gare de RER A et de la place d’Ariane, qui donnent un sentiment d’accueil lorsqu’on y arrive. Le nouveau quartier résidentiel bénéficie des commerces de proximité, qui sont appréciés et fréquentés, alors même qu’il y a l’un des plus grands centres commerciaux d’Île-de-France qui jouxte la Place. »

  • Dès lors, à quel moment intervenez-vous pour que le commerce « fonctionne » ?

PL : « Nous sommes présents sur toute la chaîne de valeur du commerce et sur le long terme. Nous intervenons en amont des projets, en lien avec les collectivités, pour penser les flux, le rapport aux espaces publics… puis nous restons propriétaires des cellules commerciales au moins dix ans. Dans ce sens, nous portons une attention particulière à la qualité des projets et surtout de l’espace public.

Nous concevons ainsi un « écrin » pour le commerce ; et nous veillons à ce que les places de stationnement soient agréables.

Contrairement à certains maîtres d’ouvrage qui construisent les commerces et les revendent immédiatement, nous vous inscrivons dans le temps et nous pensons aussi la réversibilité des commerces afin de toujours s’adapter à la ville et ses évolutions. Ceci est facilité par le fait que nous connaissons parfaitement les plans et les caractéristiques architecturales des locaux.

FV : « Être l’unique propriétaire à l’avantage que nous pouvons adapter les commerces et rester cohérents à l’échelle du quartier. A Rennes (35), dans le cadre d’un projet de nouvellement urbain au sein du quartier du Blosne, nous sommes en co-maîtrise d’ouvrage avec les promoteurs, ce qui nous permet d’anticiper toutes ces questions tout comme de favoriser les opérations tiroirs avec les commerçants à l’échelle du quartier. Par ailleurs, nous jouons un rôle primordial dans le choix des commerçants ou des porteurs de projets, ce par quoi passe une grande partie du travail d’animation territoriale. Nous animons un comité d’implantation pour installer les commerçants, en lien étroit avec la collectivité, au travers duquel nous nous assurons de la solidité du projet ou du modèle économique du commerçant. »

  • Justement, vous devez bien connaître les évolutions du commerce, en termes d’activités proposées ?

PL : « Il existe de véritables effets de mode dans les commerces proposés. Nous avons en ce moment beaucoup de demandes pour le bien-être et le sport, ainsi que des magasins de produits bio et maintenant les micros-crèches… Emergent également les conciergeries de quartier dont le modèle économique n’est pas encore tout à fait stabilisé. A ce titre, nous voyons un intérêt à penser la réversibilité des locaux.

Plus largement, il y a une tendance au renforcement de l’offre de proximité, au regard de la perte d’attractivité des commerces périphériques. Cela s’explique par le lien social que crée le commerce mais aussi par les phénomènes nouveaux : la baisse de l’utilisation de la voiture et la séparation des ménages… Une deuxième tendance va vers la gestion de la temporalité, avec du provisoire, des ateliers intergénérationnels pour préfigurer des usages, par exemple. »

  • Et avez-vous vu d’autres évolutions sur la thématique du commerce ?

PL : « Nous jouons un rôle d’ensemblier sur le commerce et nous observons que plusieurs acteurs s’emparent de cette thématique commerciale. Dernièrement, avec la crise de la Covid-19, le commerce est même devenu un sujet très politique ! Dès lors, des foncières publiques se créent mais je ne pense pas que cela soit pérenne. Le risque est de mettre les collectivités en porte à faux politiquement si elles sont propriétaires des commerces.

***

Retrouvez les cas d’études précités et bien plus encore dans notre ouvrage sur le commerce, réalisé et co-écrit en partenariat avec Catherine Sabbah, Déléguée générale de l’IDHEAL et Pascal Madry, Directeur de l’Institut pour la Ville et le Commerce (IVC).

Avec le soutien d’ARP AstranceBellevillesDe WatouGroupe ChesséGroupe FreyGrand Paris AménagementP2iSAMOASODESSOGARIS, à paraître à l’automne 2021

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