La carte à jouer des espaces de coworking ?
Le 10 avril 2020, en plein premier confinement, nous vous livrions notre analyse prospective portant sur les « bureaux de demain ».
Connectés, durables, flexibles et serviciels, les bureaux amorçaient leur métamorphose. Aujourd’hui, la crise de la covid-19 semble accélérer ces changements, mais interroge aussi plus largement le modèle du bureau.
Avec la crise et le télétravail, les bureaux se sont vidés. Mais, avec le manque de lien social, des logements parfois trop petits ou mal éclairés, il n’est pas toujours facile de travailler de chez soi. Et si le télétravail prônait le travail à bonne distance ?
Le coworking, un modèle en mouvement.
Développé, à l’origine, en réponse aux besoins des travailleurs indépendants, 49,5 % des coworkers sont aujourd’hui des salariés. En 2017, 20 % des espaces de travail partagés accueillent des collaborateurs de grands groupes, désireux de renouveler leur culture d’entreprise. Chez Régus[1], qui se définit plus comme une offre de bureau flexible, un tiers des clients sont des TPE et PME.
Les espaces de coworking offrent une grande flexibilité professionnelle tant pour les indépendants et les salariés, qui peuvent être nomades et profiter de lieux d’échanges et de partage. Aussi, ils permettent aux chefs d’entreprises d’optimiser leurs espaces de travail selon les évolutions de leurs sociétés et s’adapter aux crises.
Multiplié par 10 depuis 2012, l’offre n’est pas pour autant saturée. En effet, le taux d’occupation des différents postes est estimé à 68%. Une enquête de 2019, Global Coworking Survey[2], précise que ce qui crée le déficit annuel de ces espaces est bien leur faible taux d’occupation, tout comme leur faible taux de revenu par mètre carré.
Il ressort de cette étude deux modèles : les grandes enseignes du coworking qui, paradoxalement, génèrent le plus de profits via une offre en bureaux privatifs importante et les espaces de coworking, en général de petits tiers-lieux à taille humaine, qui tirent leur épingle du jeu hors des grandes villes, prônant le « travailler autrement » et qui maintiennent leur équilibre.
Le coworking pour télétravailler : la montée en puissance du travail flexible en entreprise.
Selon la dernière étude du Ministère du Travail [3], parmi les personnes pouvant facilement télétravailler 78% ont choisi le travail à distance au moins partiellement et 41% à temps complet.
Le premier confinement aura gardé un temps, les salariés chez eux et mis à l’arrêt de nombreux secteurs d’activités. Les espaces de coworking se sont alors vidés. Le groupe Morning Coworking déplore ainsi l’abandon d’un tiers de ses espaces entre mars et fin mai 2020. Mais, une fois déconfinés, les chiffres des fréquentations sont repartis à la hausse.
« La demande est repartie à la hausse, plus forte même qu’avant l’arrivée du Covid-19 » , Regus
Covid-19 : Les espaces de coworking misent sur la montée en puissance « du travail flexible » en entreprise, article France Info Auvergne Rhône Alpes, paru le 20 septembre 2020
Le coworking pour respecter les gestes barrières
Le premier déconfinement et les deuxième et troisième confinements, plus souples, ont permis de partiellement se réunir, à condition de rester à bonne distance. Avec un télétravail moins systématisé, les espaces de coworking, ont, alors, leur carte à jouer, dans l’essor de nos nouvelles pratiques.
En proposant, une part importante d’espaces de réunion, des lieux pour des évènements, des conférences et de grands plateaux, les espaces de coworking captent les entreprises, qui aujourd’hui, ne peuvent plus accueillir tous leurs salariés au sein de leurs locaux en respectant les distanciations sanitaires.
Mais c’est aussi la promesse d’un meilleur cadre de travail. Parfois mal installés chez eux, les salariés en télé-travail se sont dirigés vers le coworking. Isolés, ils viennent aussi chercher du lien social. Ils fréquentent ces espaces une à deux fois par semaine, bénéficiant aussi d’équipements informatiques.
Ces espaces proposent aussi des services et un aménagement soigné. Pour Lawrence Knignt, co-fondateur de Kwerk, ” Le design et le bien-être seront les premiers moteurs de l’envie d’aller au travail “.
Cependant, même dotés de grands plateaux et souvent de vastes espaces ouverts, les espaces de coworking ont dû mettre en place un système de rotation pour les coworkers, afin de respecter la distanciation sociale. Seulement, comme l’observe Sophie Desmazières[4] “les opérateurs de coworking ont loué de grands espaces à des niveaux de prix très élevés. Ils s’en sortaient grâce à une densification du mètre carré”. En offrant plus d’espace à chacun, ces espaces deviennent moins rentables.
Impulsé par la généralisation du télétravail, qui a vidé les aussi les bureaux, un dirigeant d’entreprise sur deux va réaménager ses bureaux après l’épidémie de covid-19, espérant faire des économies[5]. L’enjeu semble, alors pour ces bureaux partagés de capitaliser sur ces nouveaux adhérents.
Le coworking : vers un modèle hybride et mieux maillé ?
Tout porte à croire que nous nous dirigeons vers un modèle hybride. En effet, l’expérience intense du télétravail pendant cette crise, montre le besoin de nombreux salariés de revenir au bureau, lieu d’échange et fédérateur.
« L’entreprise est aussi un lieu social »
Anne-Charlotte Dupond, psychologue du travail
Selon l’enquête nationale « Télétravail, stop ou encore ? »[6] trois répondants sur quatre sont satisfaits de la formule « télétravail », mais ils ne souhaitent pas télétravailler chez eux plus de deux jours par semaine.
Il faut répondre à la fois aux besoins de chacun, des entreprises et des collaborateurs. Aussi, la formule couplant bureau et télétravail devrait se pérenniser avec, selon le Baromètre du Télétravail 2021, une moyenne de 3 jours au bureau et 2 jours en télétravail.
Dans le même temps, les entreprises ont déjà commencé et vont continuer à privilégier les alternatives aux baux classiques, qui répondent de moins en moins aux réalités économiques de ce contexte incertain. Il faut, aujourd’hui, privilégier les solutions flexibles et à la demande.
Dans les espaces de coworking, toutes sortes de formules et de combinaisons sont possibles. De la 1/2 journée à un bail longue durée, en passant par une simple domiciliation, des salles de réunions. 80% de l’espace est privatisé.
“En leur faisant économiser deux heures de transport par jour, le télétravail a changé positivement la vie des salariés.”
David Leclabart, directeur de l’agence de publicité l’Australie. Article du 20.07.20 Tendances RH.
David Leclabart envisage de proposer à chaque collaborateur trois lieux : chez soi, dans un espace de coworking à proximité de chez lui et le siège de l’entreprise.
Au-delà des grandes villes, qui bénéficient déjà d’une offre importante, il faut développer un réseau dans les espaces péri-urbain et avoir recours à des lieux satellites. Comme le souligne Clément Alteresco, fondateur de Morning Coworking, “Pour un salarié habitant Meaux, il n’existe pas de solution pour télétravailler ailleurs qu’à domicile. Il manque un maillage territorial de petits bureaux partagés”. Aujourd’hui, en discussion, il a pour projet de créer un réseau de quelque 200 petits centres, dans les principales villes d’Île-de-France, nom de code “Mini-bureaux”, avec comme partenaires la caisse des dépôts et consignations et la région Ile de France.
En effet, la région souhaite créer 1000 nouveaux tiers-lieux à l’horizon 2021, en majorité en milieu rural et péri-urbain. Aussi, en partenariat avec Ile-de-France Mobilités, elle a lancé la création de zones de micro-working dans les gares.
Le coworking vecteur d’usages et de lien.
Dans une ville aux usages de plus en plus partagé, le coworking semble s’installer comme une traduction pérenne de l’émergence des « co », s’adressant à tous, indépendants, salariés et chefs d’entreprises, en proposant du lien là où la distanciation sociale s’est imposée.
***
[1] Régus : société multinationale qui propose à leurs clients des prestations pour prêter des bureaux et des espaces de travail.
[2] 2019 Global Coworking Survey, une enquête menée par Essensys, Yardi et Nexudus distributeurs d’outils logiciels de gestion d’espaces, leurs modèles économiques et leur rentabilité en 2019. Au total, 2668 participants ont répondu à cette étude réalisée aux 4 coins de la planète du coworking, dont 1240 gérants et salariés de coworking spaces, 879 coworkers et 137 porteurs de projets de tiers-lieux. Conclusions publiées sur le site Planet Coworking.
[3] Réalisée entre le 12 et le 18 avril 2021
[4] Présidente de BureauxLocaux
[5] étude réalisée par Bureaux Locaux fin mai 2020
[6] Lancée par le Club des entreprises du Grand Paris et le cabinet conseil Public impact management (PIM) avec de nombreux partenaires