Le 12 décembre dernier, Catherine Sabbah et moi-même avons présenté L’Inventaire des Réinventer au Pavillon de l’Arsenal. Le moment était venu, nous semblait-il, de faire le point sur ces consultations d’un genre nouveau qui bouleversent le paysage de l’aménagement urbain en France et dans le monde.
Une question
Le 3 novembre 2014, Anne Hidalgo, Maire de Paris, et Jean-Louis Missika, son adjoint à l’urbanisme, à l’innovation et au développement économique, lançaient un OVNI baptisé Réinventer Paris. Depuis, quatre années se sont écoulées, huit appels à projets urbains innovants ont été lancés en France et dans le monde, d’autres devraient l’être prochainement. Des centaines de projets urbains ont été imaginés, des milliers d’acteurs ont été mobilisés.
Il nous est apparu nécessaire de prendre un temps de recul pour revenir sur ces huit consultations et tirer quelques enseignements du bouillonnement créatif qui a agité le secteur de l’aménagement urbain ces derniers temps. Dans la foulée de Réinventer Paris, les consultations se sont en effet enchaînées à un rythme effréné. Une question, tout particulièrement, nous taraudait : ces appels à projet remplissent-ils bien leur promesse de constituer de véritables leviers d’innovation dans la fabrique de la ville ?
Une méthode
Pour y répondre, nous avons tout d’abord procédé à l’étude des huit APUI, en examinant les modalités de chaque consultation, les calendriers, la nature des sites proposés, leur taille, leur localisation, les réponses programmatiques, la constitution des équipes, etc.
Nous avons ensuite procédé à une analyse fine et exhaustive des 99 projets lauréats retenus à l’issue des consultations déjà jugées : Réinventer Paris 1, Réinventer la Seine, Inventons la Métropole du Grand Paris 1 et Imagine Angers.
Enfin, nous avons interviewé plus de 70 personnes : les organisateurs (Ville de Paris, Métropole du Grand Paris, Ville d’Angers, APUR…), les promoteurs, des architectes, des paysagistes, des bureaux d’études, des utilisateurs, etc.
Et déjà quelques leçons
Quatre ans, à l’échelle du temps de production de la ville, c’est très peu. Pourtant, les APUI ont bel et bien, semble-t-il, initié une transformation en profondeur de l’aménagement urbain dont nous pouvons déjà tirer quelques leçons.
Incontestablement, grâce à ces dispositifs d’un nouveau genre, nous sommes passés d’une culture de l’opposition à une culture de la coopération entre le secteur public et le secteur privé, voire même au sein du secteur privé lui-même.
Autre élément marquant : ces consultations ont bousculé la production urbaine ordinaire pour exiger de la qualité à tous les niveaux. L’exigence est montée d’un cran. Et la liberté créative encouragée par ces dispositifs a eu pour conséquence de poser la mixité des fonctions comme un invariant dans la programmation des bâtiments et des quartiers.
D’autres points, en revanche, méritent une surveillance. Il existe d’abord un risque que ces projets, considérés comme plus qualitatifs, restent des projets isolés, sans réelle répercussion sur la production ordinaire. Les réponses aux nouveaux usages, ensuite, ont largement privilégié un profil type de la population – le jeune actif urbain– et il ne faudrait pas que les créateurs de la ville aient le libre choix de se concentrer sur une partie de la population seulement.
Enfin, il me semble crucial de rappeler que si l’on veut que ces appels à projet permettent vraiment de faire Ville ou Métropole, nous devons tous, chacun dans nos rôles, veiller à ce qu’ils s’inscrivent dans une stratégie urbaine locale et qu’ils s’ancrent durablement dans leur territoire d’accueil.
La dynamique initiée par le lancement des APUI se prolonge actuellement, avec l’organisation de nouvelles consultations. Le pôle Veille & Innovation de CITY Linked poursuit donc sa mission de recueil de données et d’analyse de ces dispositifs, afin de suivre au plus près les évolutions des modes de faire urbains.